16 février 2006
Maman...Belle mère.
Je viens de terminer la lecture d'un livre qui m'a bouleversée. C'est le témoignage d'une jeune fille qui a été adoptée à l'âge de 4 ans et demi et qui n'a jamais adoptée ses parents. Qui pendant toute son enfance à senti le vide qu'elle laissait derrière elle en quittant son pays d'origine, le Chili. Cet enfant à grandi en vivant l'injustice d'avoir été abandonnée par sa mère biologique, puis enlevée de son pays, et aussi le sentiment d'avoir été achetée par des parents adoptifs, qui par les cadeaux qu'ils lui offraient lui confirmer ce sentiment en elle.
Elle a vécu sa jeunesse à se rebeller, se débattre pour trouver une identité, et se révolter contre l'injustice de la vie.
Ce livre n'a pas été sans effet sur moi. La raison principale de cet effet et le fait que je vis depuis deux ans avec un homme qui a adopté deux enfants, un garçon qui avait juste quelques jours au moment de son adoption et une fille qui avait 8 mois.
Si pour le garçon les choses se sont bien passées, ou du moins, passé au mieux dans la relation qu'il a avec ses parents adoptifs. Pour la petite fille c'est différent. G est une enfant perturbée, elle a sans doute en elle un vide qu'elle ne peut expliquer vraiment mais qui la torture souvent. Elle est comme l'héroïne du livre, une enfant qui a du caractère.
La maman adoptive de G n'a une relation "saine" avec sa fille, sans vouloir porter de jugement, cette maman adoptive a dit souvent qu'elle sentait qu'elle n'avait pas adopté sa fille et que sa fille ne l'avait pas adopté non plus. Leur relation est conflictuelle et difficile.
Le garçon vit maintenant à pelin temps avec sa maman et G, la fille vit à plein temps avec nous.
Je suis arrivée dans la vie de G il y a deux ans. Je suis une personne très maternelle et j'adore les enfants. Sans avoir voulu les manipuler, gagner leur amour, je suis cependant vite entrée dans leur vie et dans leur cœurs. Notre relation n'a pas toujours été facile, surtout dû au fait que j'étais la "nouvelle" compagne de leur père et que ma présence n'était pas tout à fait accepté par leur maman adoptive qui se plaisait à dire des "méchantes choses" de moi.
Cependant les enfants ont des antennes qui leur permettent de voir ce qu'on veut leur cacher. Ils m'ont adopté et aimé très vite. Ce qui me gène dans tous ça c'est l'étiquette de belle mère. Je ne veux pas être leur belle mère, je suis moi, qui vis et partage avec eux et leur papa. Je les aime, non pas parce qu'ils sont les enfants de mon compagnon, mais simplement parce qu'ils sont des enfants, qu'ils font parti de ma vie. Les belles mères ont souvent une étiquette de méchante. Encore hier au soir, G me disait que dans les contes de fée, les belles mères sont méchantes et que pourtant moi je suis gentille.
Ce qui me bouleverse dans le livre que je viens de lire, c'est le sentiment qu'a cette fillette d'être un objet pour ses parents adoptifs. Ceux-ci font tous ce qu'ils peuvent pour la rendre heureuse, mais ne savent pas s'y prendre, ce ne sont pas les cadeaux qui la rendent heureuse, au contraire. Elle a besoin de sécurité et d'amour dans une expression qu'elle ne trouve pas dans leur façon de faire.
Moi vis-à-vis de ces enfants qui partagent ma vie, je ressens un peu la même chose, dans le sens ou je les aime, ils m'aiment, mais je sais aussi que je n'ai pas le droit d'en faire mes enfants. Ils ne le sont pas et ne le seront jamais. J'éprouve un sentiment d'injustice profond, je leur donne mon amour, des moments de ma vie, tout ce que je peux leur apporter et pourtant je ne serai toujours que la belle mère.
G qui est en conflit avec sa maman ressent elle aussi un mal aise. Elle m'aime, mais au fond d'elle, elle sent qu'elle n'a pas le droit de m'aimer comme elle le voudrait, elle n'a pas le droit de me substituer à sa maman adoptive.Elle est déchirée entre le fait d'avoir une maman, qui ne lui apporte pas ce dont elle a besoin et qu'elle doit appeler maman, et une autre personne qui se comporte comme une maman, mais qu'elle n'a pas le droit de nommer ainsi.
Je pense qu'elle sent cette "injustice" comme je la ressens aussi, c'est peut être ce non dit entre nous qui nous lit, un peu comme si chacune de nous deux savions qu'il ne sera jamais possible qu'on soit mère et fille et que pourtant c'est ce que nous désirons le plus.
Je ne veux pas et n'ai jamais voulu l'arracher à sa mère, même si celle si souvent m'a fait part de son "incapacité" à assumer le caractère de G. Elle ne voit sa fille adoptive pourtant qu'un week-end tous les quinze jours
G a des sentiments troublés envers elle, elle sait que c'est sa mère adoptive et sait qu'elle doit l'aimer, pourtant elle sait aussi qu'elle ne reçoit pas d'elle se dont elle attend.
Je sais que G n'est pas ma fille et pourtant je l'aime comme si elle l'était, et je sais que je n'aurais jamais ce que je souhaiterais, une place de maman dans son cœur.
Je souffre de cet état de fait. Je sais que j'apporte beaucoup d'amour et un certain équilibre à G, mais cette étiquette de belle mère me gène profondément.
Je pense que ce qui m'a profondément bouleversée dans ce livre c'est que finalement l'héroïne, part pour son pays rencontrer sa vrai maman, avec laquelle elle passe quelques jours en bonne entente. Après son séjour elle comprend tout de même que sa vrai mère, c'est, celle qui l'a adoptée. Même si elle a passé 21 ans de sa vie à être en conflit avec elle, c'est elle qu'elle choisit comme mère. Elle fait la paix avec elle, et oublie toute notion de rancœur ou d'amertume qu'elle avait développée envers elle. Je me dis alors que dans quelques années, G, celle à qui j'aurai tout donné, se retournera vers sa mère adoptive et la pardonnera. C'est elle qui recevra les marques d'amour de G et c'est elle qui récoltera le bonheur d'avoir la place de maman. Moi je ne serai toujours que la belle mère. Cette pensée me fait mal. Pourtant je sais que ce sera naturel. Le simple fait qu'une femme l'ait adoptée en toute légitimité, fait d'elle une maman légitime. Le fait que je lui donne l'amour et la tendresse ne fera jamais de moi autre chose que la belle mère.
Si vous avez des idées qui m'aideraient à penser autrement, vos commentaires seront bienvenus.
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